ABD EL-KADER
(Mascara, 6 septembre 1808 - Damas,
26 mai 1883)
Par Marc Nadaux
Peinture d’Hocine Ziani, huile sur toile, 100 x 81 cm, 1984,
collection du Musée Central de l'Armée, Alger.

Abd el-Qadir Nasr-Ed-Din naît le 6
septembre 1808, dans la région de Mascara, à la Guetna de l'oued al-Hammam.
Il est le quatrième fils de Zohra bint Sidi Omar Doukha et d'Abd el-Kader
Mehi-Ed-Din. Ce dernier, qui est le moqaddem de la confrérie soufie des
Qadiriyya, un chef religieux donc, destine l’enfant à lui succéder. Aussi
Abd el-Kader reçoit une éducation religieuse, à Arzew en 1822, puis à Oran
dans l'école de Si Ahmad ben Khodia, un grand intellectuel. A l'âge de
quinze ans, il se marie à sa cousine, Leila Kheira bint Abu Taleb. Avec son
père, le jeune musulman effectue en 1828 un pèlerinage à La Mecque, en
Arabie, marqué également par un séjour à Damas, Bagdad et Jérusalem.
A leur retour, ils doivent faire face aux troupes françaises. En 1830, Abd
el-Kader succède à son père à la tête des tribus de la région d'Oran et de
Mascara et s’engage dans la lutte armée face à l’occupant. Le chef de guerre
refuse de s’allier avec le bey d’Oran, qui est aussi le symbole de
l'autorité turque, et reconnaît l’autorité du sultan du Maroc. Déçu par
celui-ci, Mehi-Ed-Din proclame la Djihad, la guerre sainte, contre les
Français, avant qu’une assemblée des tribus, le 22 novembre 1832, ne
proclame son fils sultan. Abd el-Kader, qui préfère le titre d'émir,
ambitionne dès lors de créer un État algérien. Alors que son prestige
grandi, le général Desmichels accepte de traiter et de conclure avec lui un
accord de paix, le 26 février 1834. Celui-ci devait permettre aux Français
d’établir un protectorat sur le beylik d'Oran, après qu’Abd el-Kader eut
fédéré les tribus rebelles sous son commandement. Aussi reçoit-il le titre
de Commandeurs des Croyants.
Les hostilités reprennent rapidement cependant, le général Desmichels étant
remplacé par le général Trézel. Abd el-Kader et ses troupes remportent une
victoire face aux Français à la Macta, le 28 juin 1835. Ceux-ci mènent une
contre-offensive et s’emparent en décembre de Mascara et de Tlemcen. L’année
suivante, le général Bugeaud est nommé en Algérie. Le 6 juillet 1836, il
remporte au bord de la Sikkak une importante victoire sur les hommes de
l'émir. Le gouverneur général, le général Clauzel décide alors d’une
expédition vers l’Est, sur Constantine. L'échec de l'entreprise décide de
son remplacement par le général Damrémont. Rappelé en Algérie, Bugeaud
négocie avec Abd el-Kader et signe le traité de la Tafna, le 20 mai 1837.
Dans les mois qui suivent, si les Français s’emparent de Constantine, le 13
octobre 1837, l’émir en profite pour se donner une armée régulière de 10.000
hommes et pour organiser en huit califaliks son territoire.
Au mois d’octobre 1839, le nouveau gouverneur, Valée, décide d’une nouvelle
expédition, sur Hamza cette fois-ci. Considérant l’offensive comme une
violation du traité, Abd el-Kader et ses soldats gagnent la plaine de la
Mitidja et y ruinent les établissements français. Nommé gouverneur général
de l'Algérie, le 29 décembre 1840, le général Bugeaud décide d’une nouvelle
stratégie face à l’émir, la guerre totale. Les Français s’en prennent en
effet aux alliés d’Abd el-Kader, aux populations qui le soutiennent en
confisquant les troupeaux, en détruisant les récoltes et les silos à grains.
Sur le plan militaire, les effectifs des troupes présentes en Algérie sont
renforcés et réorganisés. Afin de leur donner une plus grande mobilité, sont
créées des colonnes de 6 à 7.000 hommes, à l’équipement allégé. Abd el-Kader
est prêt lui-aussi à soutenir un effort de guerre. Son administration lève
l’impôt, frappe une monnaie - le boudiou -, tandis que sont installées des
fabriques d’armes.
Après l’incendie de Tagdempt, la cité dont il a fait sa capitale, les villes
sous l’autorité Abd el-Kader tombent aux mains des Français. Celui-ci est
contraint à la mobilité, ses troupes renouant ainsi avec leur ancienne
tradition de nomadisme. Son camp, la smala, dont la défense est assurée par
des cercles concentriques de combattants, comptera 20 à 30.000 occupants. Le
16 mai 1843, les troupes du duc d'Aumale, le cinquième fils du roi
Louis-Philippe, s’en emparent près du puits de Taguine, au Sud-Ouest de
Bouge. L’année suivante, le 14 août, Bugeaud, devenu maréchal, remporte la
bataille de l'Isly face aux Marocains. Abd el-Kader ne peut dès lors plus
compter sur l’aide d’Abd er-Rahman, qui signe le traité de Tanger, le 10
septembre 1844, avec les autorités françaises. Réduit à opérer par coups de
mains, le sultan algéien se rend le 23 décembre 1847 au duc d'Aumale, devenu
gouverneur de l'Algérie, et au général Lamoricière, après trois années d’une
lutte de guérillas.
Malgré la promesse qui lui est faite d’une captivité en terre d’Islam, Abd
el-Kader arrive à Toulon, le 10 janvier 1848, en compagnie de sa famille. Il
demeurera près de cinq années prisonnier en France, de janvier 1848 à
septembre 1852. Après trois mois passés au fort Lamalgue, à Toulon, l’émir
est transféré au château d'Henri IV à Pau, avant d’être installé au mois de
novembre 1848 à Amboise. Là, il reçoit le 16 octobre 1852 la visite de
Napoléon III, qui l’invite à Paris. L’hôte de l’Empereur des Français, après
un séjour dans la capitale, gagne Marseille au cours d’un voyage triomphal,
d’où il s’embarque pour la Turquie, le 21 décembre 1852.
A Istanbul, le 7 janvier 1853, Abd el-Kader se rend ensuite à Bursa, au sud
de la mer de Marmara. Il y résidera deux années, grâce notamment, à une
pension de 150.000 F. versée par le gouvernement français. Après la
destruction de la ville par un tremblement de Terre et une visite à Paris
lors de l'exposition universelle de 1855, Abd el-Kader s’établit à Damas en
novembre 1855, se rapprochant ainsi des Lieux Saints de l'Islam. Toujours
aussi influent aux seins des populations musulmanes, il tente de protéger
les Chrétiens maronites persécutés par les Druzes de Syrie, en juillet 1860.
Ceux-ci ne sont-ils pas des dhimmi, que tout croyant doit respecter.
En remerciement, Napoléon III lui décerne peu après la Légion d'Honneur.
Grand connaisseur de la civilisation européenne, Abd el-Kader entretient une
correspondance avec les journaux français et anglais. Ceci lui vaut une
grande popularité. En 1864, il est initié à la franc-maçonnerie par le Grand
Orient de France, avant d’entamer son second pèlerinage à La Mecque. Abd
el-Kader figure parmi les invités officiels de la France lors de
l’inauguration du canal de Suez, le 17 novembre 1869. Après la chute du
Second Empire et la défaite de la France en 1870 face aux armées
prussiennes, suivies de la révolte en 1872 en Kabylie et dans les Aurès,
sévèrement réprimée, Abd el-Kader se retire de la vie publique et politique.
Il se consacre désormais à la méditation et à la publication d’œuvres
pieuses.
Abd el-Kader décède à Damas, le 26 mai 1883.
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Abd
el-Kader, lâché par le sultan du Maroc, est contraint de négocier. L'émir se
rendra au général Lamoricière.
